Téléchargez l'Etude de l'IRSEM n°111
Devant la militarisation croissante de l’espace extra-atmosphérique, il devient de plus en plus pressant de s’intéresser à l’application du droit des conflits armés internationaux aux satellites artificiels au sein de cet environnement. Pour cette raison, la présente étude vise à examiner les défis posés par les satellites artificiels à l’application du droit des conflits armés internationaux dans l’espace extra-atmosphérique. Le premier défi analysé par l’étude repose sur l’application de ce corpus juridique à l’espace extra-atmosphérique étant donné que le droit des conflits armés internationaux n’avait pas pour vocation primaire de s’étendre à cet environnement. L’étude écarte ce premier défi en montrant que les articles 1 et 2 communs aux Conventions de Genève prévoient l’application du droit des conflits armés internationaux « en toutes circonstances » dès qu’un conflit armé entre deux États éclate, et ce, sans égard au lieu de ce conflit. L’article III du Traité sur l’exploration de l’espace appuie cette interprétation en confirmant l’application du droit international dans l’espace, ce qui inclut le droit des conflits armés internationaux. Le deuxième défi examiné par l’étude consiste en la définition des attaques en droit des conflits armés internationaux comme des « actes de violence » sans autre précision, ce qui a mené certains auteurs à affirmer que seules les opérations provoquant un dommage physique à des biens ou à des personnes peuvent être définies comme des attaques. Si cette interprétation était adoptée dans le contexte spatial, le droit des conflits armés internationaux ne pourrait donc pas régir les opérations qui entraveraient uniquement le bon fonctionnement des satellites artificiels sans causer de dommages physiques ou de pertes humaines. Cette définition présente aussi des problèmes en raison de la difficulté à identifier les « actes de violence » contre les satellites artificiels. En effet, une même manœuvre peut être effectuée dans l’espace à des fins autant pacifiques qu’hostiles, ce qui peut mener les États à utiliser de telles manœuvres de mauvaise foi pour réduire la durée de vie des satellites artificiels. Cela est sans compter les enjeux de définition liés aux attaques effectuées dans le cadre du Titre IV du Protocole additionnel I, qui sont définies comme des « opérations terrestres, aériennes ou navales » affectant les civils sur Terre – ce qui pourrait exclure leur application à l’espace. Le troisième défi posé par les satellites artificiels réside dans leur double usage et dans les conséquences de ce double usage sur l’application de la règle de la distinction en droit des conflits armés internationaux. En effet, considérant que la majorité des satellites artificiels sont à double usage, ils ne peuvent être protégés par la règle de la distinction qui protège les biens à caractère civil uniquement lorsque ces derniers ne sont pas employés à des fins militaires. La composante civile des satellites artificiels à double usage ne peut donc pas être protégée par la règle de la distinction en droit des conflits armés internationaux étant donné leur emploi simultané à des fins militaires. Il ne reste donc que la règle de la proportionnalité pour limiter les dommages pouvant leur être causés. D’autres limites sont aussi visibles en raison de la difficulté à identifier la fonction civile ou militaire des satellites artificiels en l’absence de signes distinctifs obligatoires. De même, certains pays interprètent de manière très libérale la définition de ce qui constitue un « avantage militaire ». Dès lors, ces pays permettent les attaques contre les satellites artificiels ayant une fonction purement civile, mais soutenant l’effort de guerre. Ces défis relatifs à la règle de la distinction sont à leur tour renforcés par les enjeux liés à la règle de la proportionnalité considérant les débats existants sur la nécessité de prendre en compte les effets indirects et à long terme de ces attaques. Le quatrième défi présenté par les satellites artificiels dans l’espace extra-atmosphérique est lié aux règles environnementales en droit des conflits armés internationaux. Il en est ainsi puisque le Protocole additionnel I interdit uniquement les dommages à l’environnement naturel qui sont cumulativement « durables, graves et étendus ». Ces critères cumulatifs font en sorte qu’il est difficile de protéger l’environnement spatial et les biens à caractère civil qui en font partie des débris créés à la suite d’attaques contre des satellites artificiels dans l’espace extra-atmosphérique. La Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles ne permet pas de pallier cette lacune étant donné qu’elle s’applique uniquement dans le cas des techniques de modification de l’environnement. En outre, les règles environnementales comportent des limites quant à leur possibilité d’application dans l’espace extra-atmosphérique en raison des incertitudes entourant leur valeur coutumière et de la définition de l’environnement naturel sous ces règles, ce qui pourrait exclure l’environnement spatial selon l’interprétation préconisée. Pour toutes ces raisons, l’étude conclut que les satellites artificiels posent des défis d’une importance telle aux règles de droit des conflits armés internationaux qu’il est nécessaire pour les États d’adopter de nouvelles règles afin de conserver la pertinence de ce corpus juridique dans l’environnement spatial.