Dans un format court (entre 10 et 30 pages), les notes de recherche présentent les travaux de l'IRSEM et proposent des éléments d'analyse et de compréhension de grands enjeux stratégiques.
Note de recherche n°145 - 2024
"L'administration Biden et le retour empêché des États-Unis à la primauté"
Auteur : Maud QUESSARD
À la veille de l’élection présidentielle de novembre 2024, cette note de recherche propose un premier bilan de la politique étrangère démocrate de l’ère Biden, en dégageant les éléments de rupture et de continuité au-delà de la séquence électorale à venir opposant Donald Trump à Kamala Harris. Elle incite à s’interroger sur les évolutions de la posture stratégique des États-Unis, en se concentrant sur les défis et les contradictions rencontrés par les démocrates dans la formulation d’une Grande Stratégie cohérente. Elle aborde le retour difficile au multilatéralisme, les crises intérieures et internationales ainsi que les compétitions de puissance croissantes avec la Chine et la Russie. L’administration Biden, bien que déterminée à revitaliser les alliances et à réaffirmer le leadership américain, a dû faire face à une multiplication des crises et des niveaux de crise qui ont compliqué la mise en œuvre d’une politique étrangère homogène. Les divisions partisanes et intra-partisanes structurelles, les difficultés de (ré)engagement avec le « Sud global » et le retour des guerres en Europe et au Moyen-Orient ont fragilisé la réaffirmation d’un grand dessein tourné vers l’Asie. La posture stratégique des États-Unis reste affaiblie par des contraintes internes et des défis stratégiques globaux qui remettent en question la capacité du pays à maintenir son leadership à moyen terme.
"La stratégie nationale de sécurité allemande : rupture ou continuité stratégique ?"
Auteur : Jéronimo L. S. BARBIN
Le 27 février 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz qualifie l’attaque russe contre l’Ukraine de « tournant historique » (Zeitenwende) et annonce une panoplie de mesures en réaction, considérées comme un « revirement complet », voire comme « révolutionnaires » par la presse nationale et internationale. L’élaboration d’une première stratégie nationale de sécurité allemande, dont les travaux débutent le mois suivant, suscite en conséquence l’attente, à la fois en Allemagne et à l’étranger, de voir se confirmer ce changement de la politique extérieure allemande, notamment par une action gouvernementale plus stratégique et l’apparition de nouvelles structures décisionnelles. Après avoir présenté la genèse et le processus d’élaboration de ce document, cette note de recherche détaille le contenu de cette stratégie et expose finalement la réception de celle-ci par la communauté stratégique allemande.
"L’obligation de loyauté envers la constitution des soldats de la Bundeswehr et l’obligation de réserve des soldats français : Deux mécanismes d’encadrement des comportements antidémocratiques au sein des forces armées"
Autrice : ORR Leonie Belk
À l’heure où les sociétés européennes enregistrent une flambée des tendances populistes, voire antidémocratiques, la question de leurs conséquences sur la Bundeswehr et l’armée française se pose de plus en plus. Dans ce contexte, les réglementations et les mécanismes de prévention et de lutte contre les comportements antidémocratiques de certains soldats jouent un rôle important. Cette note met en lumière les origines des actes antidémocratiques répertoriés en France et en Allemagne et compare l’obligation de loyauté envers la Constitution des soldats allemands à l’obligation de réserve des militaires français. Ensuite, les conséquences disciplinaires de la violation de ces deux obligations par de tels comportements sont examinées.
Note de recherche n°142 - 2024
"La guerre à Gaza et le retour de la question palestinienne : quels impacts sur le rôle de l'Arabie saoudite et sur les accords Abraham ?"
Auteur : Fatiha Dazi-Héni
Cette note de recherche porte essentiellement sur les impacts de la guerre à Gaza en Arabie saoudite et sur les accords Abraham, depuis les attaques du 7 octobre 2023. Les entretiens menés à Riyad et à Abha (province de l’Asir), lors d’une mission de terrain, ont révélé un écart de plus en plus marqué entre les perceptions de l’Arabie saoudite, du Moyen-Orient en général et de l’Occident sur le conflit israélo-palestinien. Il apparaît également que les États arabes signataires des accords Abraham sont restés hors-jeu et assument une position embarrassante vis-à-vis de leur population et du monde arabo-musulman. De son côté, Riyad cache mal son impuissance à peser sur le cours de la guerre ainsi que ses multiples contradictions face à une question palestinienne qui refait brutalement surface. L’émotion que le nombre de victimes civiles à Gaza a suscitée auprès d’une jeunesse saoudienne accaparée par la société des loisirs, promue par la Vision 2030, met le pouvoir saoudien au défi de gérer les impacts du conflit sur son rapprochement esquissé avec Israël. De même, l’élargissement de la guerre en mer Rouge par les houthistes du Yémen accentue la vulnérabilité du royaume, compte tenu de la concentration de ses très ambitieux mégaprojets sur son littoral.
Note de recherche n°141 - 2024
"Big words, small deeds Russia and China in the Arctic"
Auteur : Lukas B. Wahden
Russia’s war against Ukraine has had a significant impact on the Arctic. Relations between Russia and the Arctic NATO states have deteriorated, the western Arctic states have ceased most institutional cooperation with Moscow, and the Arctic Council is paralysed. At the same time, climate change is changing the natural environment of the region. This has made it easier to extract and transport Arctic resources by sea. New Arctic shipping lanes are opening up, which is attracting military and naval powers to the High North. Russia has long focused on expanding its Arctic cooperation with China, especially in its attempts to reduce the impact of Western sanctions. Following its occupation of Crimea in 2014, Moscow could rely on Chinese investors to prop up its Arctic companies. However, since 2022, investments by Chinese partners have fallen short of Russia’s expectations. Military cooperation between Russia and China in the region has also been scarce. In light of China’s reticence to become more involved in its Arctic economy, Moscow has tried to diversify the range of its non-Arctic regional partners.
Note de recherche n°140 - 2024
"The Korean defense industry enters the European security theater an analysis of Korea-Poland arms deals"
Auteur : Wooyeal Paik
Over the past couple of years Korea and Poland have been advancing a large arms deal framework, worth approximately 60 billion USD, across the field including, but not limited to, main battle tanks, self-propelled howitzers, light fighter jets and multi-launch rocket systems. This is an unprecedented defense industrial cooperation to connect, if not integrate, their respective regions in the Euro-Atlantic and the Indo-Pacific. Such a bold move surprises many in both regions as well as Russia and other major powers. Why and how did they confirm this intriguing defense industrial cooperation, which has significant implications for security alignment? What are the pros and cons of the ongoing interaction for these two geographically distant security partners? What are the strategic consequences and implications for Korea, Poland, and other major stakeholders? This paper provides a set of preliminary assessments of these issues.
Military lessons of the war in Ukraine are numerous and of great interest to Western armies. They affect all areas of conflict and are diverse and varied. Against this backdrop, this article looks in particular at the use of reservists by the two belligerents and seeks to draw some useful observations for our own defence models. Until the mid 2000s, the Russian and Ukrainian armed forces, both heirs to the Soviet model, had similar structures. Then these structures, and in particular the organisation, training and use of reservists diverged. The conflict that began in 2014 has accentuated these divergences, challenged the models chosen but also shown the importance of using reservists. Since 2014, but especially since 2022, both the Russians and the Ukrainians have had to adapt the way they employ their reservists in order to face the reality of war, with contrasting results. For their part, Western armies have been grappling since the end of the Cold War with the dilemma: mass or high technology? The question of this use of reservists in France and more widely in Western countries is no exception to this issue. First, this study describes the models in place and how they are evolving, then it analyses the use and results obtained by Ukrainian and Russian reservists in the context of the current conflict. Finally, in the light of these observations, this document proposes three main options for Western armies regarding the organisation and the use of their reservists.
On March 10, 2023, Saudi Arabia and Iran announced that they had signed an agreement to resume their diplomatic relations. This agreement was concluded under the aegis of China – a resounding event that is bound to trigger a variety of political and economic upheavals in a strategic region that holds 40% of the world’s fossil fuel reserves. It also points to a transformation of the international system, with regional players increasing their autonomy and China playing a growing role on the international political stage. What assessments can be made about this new rapprochement between the region’s “two best enemies”? What does this situation say about Beijing’s evolving regional and international expectations? The present study shows that this tripartite agreement is of major importance to a variety of players in the region. Thus, it has been well received on an international level. This agreement is also the manifestation of the three protagonists’ shared economic interests. It points to a significant change in the political and strategic regional order.
L’industrie de défense est concernée à plus d’un titre par les questions environnementales, notamment à travers les réglementations auxquelles elle est soumise en raison des matériaux et des composants utilisés pour produire des équipements et des armements à destination des forces armées, mais aussi de ses activités de test de munitions et d’explosifs. Cette note de recherche étudie comment cette évolution normative est prise en compte par le ministère des Armées. Il s’agit plus généralement de montrer que la transition écologique en cours dans nos sociétés se manifeste aussi par de nouvelles normes, qui peuvent conduire un secteur d’action publique aussi puissant que celui de la défense à repenser ses pratiques. Cette note s’appuie sur une série d’entretiens réalisés au cours de l’année 2021 ainsi que sur une analyse de documents collectés sur les sites internet institutionnels du ministère des Armées.
In the fall of 2022, a Spanish NGO published a series of reports denouncing extra-territorial police practices by China. This raises the following question: does China implement international police and law inforcement cooperation? It appears that the People’s Republic of China – through its Ministry of Public Security – is extensively developing this type of cooperation, be it through institutional frameworks or by utilizing a variety of tools. Police and judicial cooperation is viewed as a “creative involvement” that allows Beijing to pursue both diplomatic and security-related objectives.
La parution à l’automne 2022 d’une série de rapports d’une ONG espagnole dénonçant les pratiques policières extraterritoriales chinoises soulève la question de l’existence d’une coopération policière et judiciaire chinoise internationale. Il s’avère effectivement que la République populaire de Chine, par l’intermédiaire de son ministère de la Sécurité publique, développe de manière importante ce volet, aussi bien dans les cadres institutionnels que dans les dispositifs proposés. La coopération policière et judiciaire constitue « un engagement innovant », permettant à Pékin de poursuivre des objectifs tant diplomatiques que sécuritaires.
La Garde nationale américaine est un système complexe de réserve organisé à l’échelon des États fédérés des États-Unis d’Amérique. Son origine remonte à la Révolution américaine, lorsque les colonies s’émancipèrent en employant leurs milices. Ce fait fondateur octroie à ces dernières une place de choix dans la Constitution. Ces milices, ancêtres de la Garde nationale, constituent à l’origine un contre-pouvoir aux armées régulières. Elles équilibrent à la fois l’armée permanente (standing army) et les relations entre le Congrès (qui définit leurs emploi et moyens), le président (en cas d’insurrection ou de conflit) et les États fédérés (à travers leurs gouverneurs), où elles assurent des missions de sécurité publique.
À partir des révolutions des Printemps arabes (17 décembre 2010), la Turquie de Recep Tayyip Erdogan profite de l’instabilité qu’elles engendrent dans le monde arabo-musulman pour retrouver et conduire à nouveau une stratégie néo-impérialiste fondée sur la diffusion d’une influence politique à l’étranger et l’appropriation économique de parts de marché. Cette ambition repose sur une combinaison de moyens diplomatiques, économiques et militaires. À cet effet, le continent africain est un exemple des plus représentatifs en tant que sphère d’influence de premier ordre au regard de l’exercice d’une « diplomatie du drone » commencé depuis près d’une décennie. En mobilisant à la fois des instruments de soft power et de hard power, la Turquie s’insère dans une recherche de leadership et souhaite de facto s’affirmer au sein de la compétition de puissances à l’œuvre en Afrique.
How did military dominance come about in Mali following the coups of 2020 and 2021? What shifts has the situation brought about in terms of civil-military relations? What effects have these political changes had on the economies of violence in the Sahel region? Beyond the reality of Ibrahim Boubacar Keïta’s regime, we are seeing the results of the nation’s disillusionment at play, following the unfulfilled promises of the post-1991 democratic opening. Ten years after the 2012 coup, the rule of violence has been sustained by (counter)insurgency logics and has since escalated. This state of affairs helps us understand the population’s support for the coups in 2020 and 2021, based on the nation’s desire for a Mali Kura, a new Mali. The Mali Fanga, a war-waging narrative upheld by the military transitional government and which is presumed effective, explains the rationale underlying Mali’s response to its various crises. The current results of this approach boil down to the strengthening of authoritarianism, an exacerbation of the economies of violence and a strategic shift that counts on the unpopularity of France’s presence in the Sahel. After being waged for ten years, the “war on terror” in the Sahel region has had lasting effects and has only worsened the rule of violence. In a context marked by one-upmanship, the Malian transitional government and its martial approach are receiving support from Wagner, a Russian private military company. Thus, Mali’s current trajectory raises questions concerning the country’s socio-political order, the future of conflict resolution and the configuration of power in the long run.
Comment s’est construite la domination militaire au Mali à la suite des coups d’État de 2020 et 2021 ? Quelles reconfigurations des relations civilo-militaires a-t-elle entraînées ? Quels sont les effets de ces changements politiques sur les économies de la violence au Sahel ? Au-delà de la contingence du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, les désillusions nées des promesses non tenues de l’ouverture démocratique post-1991 sont à l’œuvre. Des ordres de violence entretenus par les logiques (contre-)insurrectionnelles se sont aggravés, dix ans après le coup de 2012. Cet état de fait permet de comprendre le soutien populaire aux coups d’État de 2020 et 2021, reposant sur l’espérance du Mali Kura, le nouveau Mali. La rhétorique du pouvoir guerrier du Mali Fanga mis en place par la transition militaire, bénéficiant d’une présomption d’efficacité, traduit ce choix de réponse aux crises maliennes. Les résultats actuels se résument à une fuite en avant autoritaire, une exacerbation des économies et ordres de violence, et un tournant stratégique pariant sur l’impopularité de l’intervention française. La « guerre contre le terrorisme » menée depuis dix ans au Sahel a des effets durables, participant au développement des ordres de violence. Dans une logique de surenchère, la transition malienne reçoit le soutien russe via la société militaire privée Wagner, accompagnant cette volonté martiale. Cette trajectoire interroge sur l’ordre socio-politique malien, la volonté d’une résolution des conflits et la configuration du pouvoir au Mali à long terme.
This paper analyzes the limits and assets of conventional deterrence by taking NATO’s enhanced Forward Presence (eFP) in the Baltic States and Poland as a case study. This research, based on a qualitative survey conducted at NATO headquarters, focuses on several aspects of the eFP: 1) the choice of a multinational format for this activity, which presents the challenge of interoperability; 2) the different roles of the battlegroups that are not limited to deterrence; 3) developments since Russia’s invasion of Ukraine in February 2022. This paper shows that despite reservations about the heterogenous implementation of the eFP, NATO’s deterrence activity has received an overwhelming amount of support from several players: Central and Eastern European member states, which are thus leaving their status as second-tier members and seeing their security concerns considered, and partners who, as demonstrated by the accession process of Sweden and Finland, are looking for NATO’s protection.
Cette note analyse les limites et les apports de la dissuasion conventionnelle en prenant comme étude de cas la présence avancée renforcée de l’OTAN (eFP), stationnée dans les pays Baltes et en Pologne. Cette recherche, fondée sur une enquête qualitative menée au siège de l’OTAN, s’attache à plusieurs aspects de l’eFP : 1) le choix du multinationalisme comme format de cette activité, ce qui soulève l’enjeu de l’interopérabilité ; 2) les différents rôles des bataillons qui ne se limitent pas à la dissuasion ; 3) l’évolution depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. La note montre que malgré les réserves liées à l’hétérogénéité de la mise en œuvre de l’eFP, l’activité de dissuasion de l’OTAN est plébiscitée par de nombreux acteurs : les pays membres d’Europe centrale et orientale qui perdent ainsi un statut de membre de second rang et voient leurs préoccupations sécuritaires prises en compte mais aussi les partenaires qui, comme le démontre le processus d’adhésion de la Suède et de la Finlande, recherchent la protection de l’OTAN.
« Les parlementaires et la politique de défense : des médiateurs plus que des censeurs ? »
Auteur : Julien Fragnon
Cette note de recherche interroge le rôle du Parlement dans la politique de défense. Partant du double constat d’un déficit historique des assemblées dans le contrôle des affaires militaires et d’une demande politique accrue pour cette question (vague d’attentats en France, polémiques sur les exportations d’armement, guerre en Ukraine), la note vise à examiner les marges de manœuvre des parlementaires à partir d’une observation participante de plusieurs années. Elle s’intéresse pour cela à l’action des parlementaires en matière de contrôle des exportations d’armement. L’observation montre ainsi des parlementaires soucieux d’investir leurs compétences constitutionnelles en matière d’évaluation mais dans un rôle de médiation plus que de contrôle dans la fabrique de la politique publique de défense.
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, considérée par certains comme une organisation de défense conçue pour ne pouvoir réagir qu’aux menaces nées pendant la période de la guerre froide, continue, sept décennies plus tard, de faire la preuve de son utilité. Se tourner vers les paramètres de sa création, remettre en perspective les demandes des gouvernements européens de bénéficier du lien transatlantique, rappeler la volonté américaine de trouver les voies et moyens de surmonter les obstacles de politique intérieure illustrent les différentes facettes d’une problématique complexe. La prise en compte immédiate des conséquences de la fracture née d’un changement de paradigme stratégique, l’approche pragmatique des modalités de rédaction du traité, et la nécessité impérieuse de défendre une société libre ont conduit à donner à l’Organisation ainsi créée une matrice adaptable au contexte susceptible de répondre à des enjeux de défense évolutifs. Les différents articles du traité constituent l’articulation fondamentale de la plasticité de l’Organisation.
Cette note qui étudie les trajectoires professionnelles de la quarantaine de chercheurs et apprentis-chercheurs ayant quitté l’IRSEM au cours des six dernières années montre que l’IRSEM mène à deux types de carrières : essentiellement la carrière académique, notamment des postes d’enseignants et/ou de chercheurs à l’université et au CNRS, mais aussi la carrière policy, avec des postes dans des ministères et des think tanks privés – une bipartition confirmant la nature hybride de l’institut. Les données figurent en annexe.
Japan is currently the fifth largest conventional military power in the world, and yet it has no armed forces, since the Japanese Self-Defence Forces (JSDF), created after World War II, cannot be considered as such. This paper looks at this paradox from the perspective of the relationship of these forces to Japanese society and the way in which their image affects defence policy in Japan. To do so, we go back to the origins of the JSDF’s status and consider their characteristics and the current limits to their development. We also look at how their image, missions and prerogatives are out of step with the geostrategic context of 2022. The image of the JSDF in the eyes of the Japanese population proves to be the key to understanding the permanence of this paradoxical status. We thus analyze how this image is constructed through public opinion, official communication policy and the influence of external actors, such as the American armed forces.
« Les Japonais et leurs forces d'autodéfense aujourd'hui »
Auteurs : Marjorie Vanbaelinghem et Alice Ortega
Le Japon est aujourd’hui la cinquième puissance militaire conventionnelle mondiale mais il n’a pas d’armée. Les Forces d’autodéfense japonaises, créées à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, ne peuvent pas en effet être considérées comme telle. Cette note envisage ce paradoxe sous les angles de la relation de ces forces à la société japonaise et de l’impact de leur image sur la politique de défense. Pour cela, nous remontons aux origines du statut des FAD, considérons leurs caractéristiques et les limites actuelles à leur développement et étudions le décalage entre leur image, leurs missions et prérogatives et le contexte géostratégique de 2022. L’image des FAD auprès de la population japonaise se révèle être le facteur déterminant pour comprendre la permanence de ce statut paradoxal, et sa construction est analysée à la lumière de l’opinion publique, de la politique de communication officielle mais aussi de l’influence d’acteurs extérieurs, comme l’armée américaine.
This paper surveys the reactions amongst ASEAN member states following the announcement of AUKUS. By “reactions”, this paper argues, one needs to look beyond the obvious rhetoric – such as those evinced by Jakarta and Kuala Lumpur immediately after the deal was publicized. Beyond rhetoric, “reactions” also encompass the less apparent policy actions which may subtly reflect the sentiments of ASEAN capitals to AUKUS. Such policy actions as the aforementioned elevation of ASEAN-Australia relations to one of comprehensive security partnership are arguably more decisive than mere open press statements or random remarks by ASEAN political elites and policy planners. Of course, this paper would not stop at surveying those reactions but attempts to underline the strategic rationale. It argues that Southeast Asian perceptions towards evolving geopolitical uncertainties in the region, including concerns over the rise and growing assertiveness of China, could have shaped sentiments towards AUKUS, manifested not only in words but through more tangible, albeit less obvious, policy actions.
While “fake news” as a phenomenon is not new, today’s digital media age has made the need to address it considerably more urgent. Its political impact, potential to compromise the integrity of electoral processes, and ability to cause real world harm have driven governments across the globe to take notice. The trend towards legislation as a countermeasure is unmistakable, with many new pieces of regulation targeting the creation, distribution and manipulation of false and harmful information being enacted in the last four years, and many more still being drafted and considered. This note maps and compares the regulatory frameworks for addressing false and/or harmful information in five jurisdictions in the Asia-Pacific – Australia, India, New Zealand, Singapore, and Taiwan. Its aim is to demonstrate the diversity of regulatory strategies which have been implemented or are under consideration, and in doing so, act as a discussion starter on governance of the digital space, where the circulation of ideas could better inform the fight against false and harmful information, which spreads not just within but across national borders.
By proposing the establishment of a European Defence Fund, the European Commission has, for the first time since 1957, decided to mobilise Community resources to support the development of the capabilities necessary for guaranteeing Europe’s security and developing its strategic autonomy. This initiative, launched prior to the invasion of Ukraine, takes on a new dimension in light of the war in Europe and the decision taken by the Member States at the European Council in Versailles to develop their defence capacity. It is also clear that this strengthening of European capacity is contributing to global security within NATO. The provisions of the European Defence Fund are fully consistent with this imperative: they allow companies located in Europe but controlled by third countries to benefit from Community support subject to certain conditions. They are also consistent with the Union’s security interests. The results of the calls for proposals for the first two years of the Fund demonstrate that the participation of companies controlled by third countries is indeed possible but their participation must be carefully verified by the Commission.
« Les entités éligibles au fonds européen de défense : premiers retours d'expérience et questions ouvertes »
Auteur : Alain Alexis
En proposant la mise en place d’un Fonds européen de défense, la Commission européenne a voulu, pour la première fois depuis 1957, mobiliser des fonds communautaires pour soutenir le développement de capacités militaires nécessaires à la sécurité de l’Europe et contribuer à son autonomie stratégique. Cette initiative, lancée avant l’invasion de l’Ukraine, prend une dimension nouvelle avec la guerre en Europe et la volonté des États membres, rappelée lors du dernier Conseil européen de Versailles, de se doter des capacités propres à assurer leur défense. Il est clair également que ce renforcement des capacités européennes contribue à la sécurité globale dans le cadre de l’OTAN. Les dispositions du Fonds européen de défense répondent à cet impératif en permettant à des entreprises installées en Europe mais contrôlées par des pays tiers, de bénéficier des soutiens communautaires sous réserve de certaines conditions, en particulier le respect des intérêts de sécurité de l’Union et l’absence de contrôle sur les résultats de la part de pays tiers. Les résultats des appels à propositions pour les deux premières années du Fonds démontrent que la participation d’entreprises contrôlées par des pays tiers est effectivement possible mais doit faire l’objet d’un contrôle strict de la part de la Commission.
Research Paper No. 124 - 2022
"EU’s paradigm shift towards the rise of China"
Author: Earl Wang
This research paper explores how the European Union (EU) has been reacting to the rise of the People’s Republic of China (PRC). The paper presents the finding that since 2016 there have been discernible changes in the EU’s perception of China and its approach to the country, which is with growing assertiveness and even aggressiveness at times. The EU has been building up more tangible means to withstand the challenges posed by China. The EU-China – A Strategic Outlook document published in March 2019 is identified as the moment of the EU’s concrete paradigm shift towards Beijing.
Note de recherche conjointe - 2022
« Avantages et limites de l'utilisation des forces armées dans la répression d'une activité illégale : l'opération Harpie et l'orpaillage clandestin en Guyane française »
Auteurs : COL Emmanuel Durville, François-Michel le Tourneau
Malgré un effort continu de lutte et une réduction considérable de la présence des mineurs illégaux, environ 12 000 orpailleurs brésiliens arrachent chaque année entre 5 et 10 tonnes d’or illégalement en Guyane française. La résilience dont font preuve ces orpailleurs clandestins doit être analysée mais on peut aussi s’interroger sur le rôle à long terme des forces armées dans ce contexte et sur l’intérêt pour elles de cette mission très spécifique qu’est l’opération Harpie. Afin de contribuer à ces réflexions, cette note présente dans un premier temps les contours du monde de l’orpaillage clandestin en Guyane tant du point de vue technique que du point de vue économique et social. Nous abordons dans un second temps le rôle des forces armées dans sa répression. Enfin, nous examinons l’opération Harpie et les possibilités de sortie de cet engagement qui court depuis presque quinze ans.
Research Paper No. 123 - 2022
"Armies are back in town. Urban warfare and the metropolization of violence"
Author: Florian Opillard
Since the 1980’s, a worldwide urbanization process has lead to the drastic rise in both the number of metropolises and their spatial imprint. Along with their generalization, inequalities and low intensity violence have both intensified. In some contexts such as Brazil or Mexico, their extent questions the traditional divide between a conventional and external use of military forces and their intervention in so called “internal wars”. Far from being a passive context of engagement, metropolises have become both epicenters of social violence, warfare targets and leveling environments for the military. Drawing from its experience in urban battles in recent years and flowing several regular armies, the French military has incorporated urban combat into its doctrines in an attempt to avoid the tactical trap metropolises represent. This research paper delineates these evolutions as well as their implications for military functions in several countrie.
Note de recherche n°122 - 2022
« Kazakhstan, janvier 2022 : une surprise stratégique ? »
Auteur : COL Stéphan Samaran
Les événements survenusau Kazakhstan au cours de la première quinzaine de janvier ont eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein. La surprise a été triple : d’abord celle de la rapide transformation de manifestations pacifiques en violentes émeutes, puis celle de l’énergique reprise en main par le président Tokaïev et, enfin, celle de l’intervention inédite et efficace d’un contingent militaire de l’Organisation du traité de sécurité collective. Le retour au calme est synonyme de reconstruction, de réformes et de consolidation de l’unité nationale.
Research Paper No. 122 - 2022 (Translation)
"Kazkhastan, January 2022: a strategic surprise?"
Author: Col. Stéphan Samaran
The events that took place in Kazakhstan during the first two weeks of January came like a bolt out of the blue. The surprise was three-fold: first, the rapid transformation of peaceful demonstrations into violent riots; then the forceful regain of control by President Tokayev; and lastly, the unprecedented and effective intervention of a military contingent of the Collective Security Treaty Organization. The end of the unrest is synonymous with reconstruction, reforms and consolidation of national unity.
« Une "Commission géopolitique" ? L'affirmation de la Commission européenne comme acteur stratégique sur la scène internationale »
Auteur : Pierre Haroche
Cette note examine les origines et l’opérationnalisation du concept de « Commission géopolitique », qui a été promu par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen depuis 2019. Ce concept a été utilisé pour désigner la coordination renforcée des aspects externes du travail de la Commission. Il est également symptomatique d’une tendance plus large, antérieure au nouveau collège de commissaires, à savoir le rôle croissant des considérations stratégiques dans les initiatives de la Commission, notamment à travers l’objectif de renforcer l’« autonomie stratégique ouverte » de l’UE. Dans un contexte où la compétition de puissance mondiale se porte de plus en plus sur le terrain économique et technologique, la Commission devrait voir son rôle stratégique se renforcer. Cette évolution pourrait ainsi représenter le début d’une dynamique supranationale dans un domaine (la sécurité internationale) relevant traditionnellement des États membres et de la coopération intergouvernementale.
Auteurs : Pierre Haroche et Martin Quencez
Cette note explore les différentes options de l’OTAN face à la puissance chinoise. Premièrement, en ce qui concerne les approches militaires, il est peu probable que l’OTAN joue un rôle substantiel dans les efforts d’équilibrage des capacités chinoises dans la région indopacifique, ou qu’elle désigne la Chine comme une « menace » dans la zone de l’Atlantique nord. Alors qu’une logique de division géographique du travail entre les États-Unis et les partenaires européens affaiblirait la cohésion de l’Alliance, l’OTAN devrait plutôt s’attacher à mieux intégrer le « facteur Chine » dans sa planification militaire, en prévision des effets ricochets qu’une crise en Asie pourrait avoir sur le théâtre européen. Deuxièmement, en termes d’approches politiques, bien qu’une extension formelle des compétences de l’OTAN soit peu probable, une coordination plus forte avec les acteurs indopacifiques et avec la Commission européenne pourrait aider à surmonter une grande partie des limitations géographiques et fonctionnelles de l’Alliance face à la Chine.
"Winning hearts and minds: from Syria to Nagorno-Karabakh, the development of population-centric approaches in Russia's military interventions"
Author: Emmanuel Dreyfus
Recent Russian military operations in Syria and in the Nagorno-Karabakh region illustrate the growing importance of population-centric approaches in Russia’s military interventions. Compared to previous military operations conducted by Moscow since 1991, the Syrian campaign launched in 2015 reveals an apparent paradox. Following a first phase mostly characterized by kinetic operations, including the bombing of civilian areas and infrastructures, the second phase of Moscow’s intervention features a central humanitarian dimension. Such dimension also lies at the very heart of the Russian peacekeeping mission deployed in the Nagorno-Karabakh region since November 2020. These developments, that fit in the pursuit of a “winning hearts and minds strategy”, echo a rising awareness within the Russian military science towards the role of civilian populations in armed conflicts.
« Kaliningrad, miroir des ambitions militaires russes d'aujourd'hui »
Auteur : Malcolm Pinel
L’oblast de Kaliningrad, enclave russe dans l’Union européenne, a fait l’objet d’une remilitarisation croissante, qui alimente les tensions entre les États baltes, la Russie et l’OTAN. Il revêt un caractère stratégique pour Moscou car il offre un accès permanent à l’océan Atlantique via la Baltique en s’affranchissant des brise-glaces nécessaires pour naviguer en tout temps par la route du Nord. La modernisation de ses capacités militaires, qui s’est faite progressivement, est représentative des difficultés auxquelles a été confrontée l’industrie de défense russe à la suite de la crise économique et des conséquences des sanctions qui la touchent depuis 2014. La récente restructuration du 11e corps d’armée stationné à Kaliningrad, regroupant l’ensemble des forces armées de l’oblast, lui permet de disposer d’un panel de capacités opérationnelles avérées allant de l’assaut amphibie à la défense multicouche de ses espaces terrestres, aériens et maritimes.
« Wir sind nicht im krieg/ Nous ne sommes pas en guerre : le rôle de l'armée allemande face à la pandémie de covid-19 »
Auteur : Edouard Jolly, Emilie Lefer et Hélène Weber
L’Allemagne a été présentée comme un modèle de gestion de la crise permettant, à travers une organisation efficace, d’assurer une sécurité sanitaire, d’éviter l’effondrement économique et social mais surtout d’épargner un grand nombre de vies. Alors que le président français déclarait le 16 mars 2020 que la France était en « guerre » contre le virus, l’Allemagne s’est distinguée par une forte mobilisation de ses forces armées pendant la crise sanitaire, sans déclaration de guerre : Angela Merkel avait prononcé son discours deux jours après celui d’Emmanuel Macron, affirmant que le problème devait « être pris au sérieux », suggérant par là qu’il fallait se préserver de toute Kriegsrhetorik. Pourtant, la gestion de la pandémie en Allemagne, en plus d’être politique et sanitaire, autrement dit « biopolitique », a déclenché l’intervention de la Bundeswehr. L’objectif de cette note de recherche consiste ainsi à expliquer le rôle et la fonction de l’armée allemande contre la pandémie, suivant trois moments : biopolitique, juridique et opérationnel.
« Sous pression : les défis du secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire »
Auteur : Maxime Ricard
Les mutineries militaires de janvier et mai 2017 en Côte d’Ivoire ont symbolisé la dette politique du président Ouattara envers les anciens rebelles des Forces nouvelles. Ceci a affecté la réforme de l’armée, la question des ex-combattants et les politiques de l’ordre. Le secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire est ainsi un champ de pouvoir traversé par des négociations, dans un contexte de jeux d’alliance complexes. Le choc des mutineries de 2017 a été un catalyseur pour accélérer la mise en oeuvre d’un certain nombre de réformes, dont la durabilité reste à vérifier. Si l’investissement public post-conflit dans le secteur a permis d’améliorer les services publics de sécurité, des défis importants demeurent, comme l’inégalité d’accès ainsi que le comportement des agents, en particulier en zone rurale. Dans un contexte de resserrement autoritaire, l’élection de 2020 a été un véritable test pour les forces de sécurité. Face à la pression des groupes armés jihadistes au nord, les forces de défense et de sécurité ont besoin d’améliorer leurs relations avec les populations, tandis que les réponses aux défis ne peuvent se limiter à une dimension purement coercitive.
Auteur : Julien Verstraete
Depuis 2015 et l’inscription dans la durée de l’opération Sentinelle, le recours aux réserves est de plus en plus fréquent pour les missions relevant de la protection du territoire national. De 4 à 6 % des effectifs engagés sur l’opération Sentinelle en 2016, les réservistes représentent aujourd’hui 15 à 30 % de l’effectif de l’opération Résilience. Cette note vise à exposer les apports de la réserve mais aussi les défis qu’elle doit encore relever. Si la réserve dispose d’un formidable potentiel et se révèle désormais être un élément essentiel de massification de l’active, son récent déploiement sur l’opération Résilience soulève un certain nombre d’enjeux relatifs à la territorialisation des missions, la fidélisation du personnel ou encore la mise en cohérence entre les compétences et l’emploi de ces forces de réserve. En creux, l’opération Résilience pose la question de la réactivité des réserves en cas de crise ponctuelle majeure et ce, malgré la volonté d’un personnel dévoué et motivé. La réserve demeure un outil en construction dont les orientations restent à préciser.
Auteur : CRP Jonathan Cohen
En octobre 2019, l’attentat commis au sein de la préfecture de police de Paris par un personnel habilité soulevait la question de l’efficacité des habilitations au secret de la défense nationale. Cette note a pour objet de traiter des habilitations des personnes morales, à savoir principalement les entreprises. L’habilitation des entreprises soulève de nombreuses questions. Elle vient se heurter aux principes de fluidité des affaires, d’égalité de traitement entre les candidats et de liberté d’accès à la commande publique, de transparence des procédures… Il convient aussi d’interroger la dimension nécessaire et suffisante de l’habilitation. La note décrit ainsi les différents acteurs et les différentes étapes du processus d’habilitation (justification du besoin, choix du bon guichet d’entrée, constitution du dossier, désignation d’un officier de sécurité, enquête…), y compris après la décision. Il s’agit également de saisir les enjeux sous-jacents et, outre les évolutions réglementaires attendues à partir du 1er juillet 2021, de proposer des pistes d’amélioration, tant sur le fond que la forme.
Auteur : Camille Brugier
Depuis quelques années et a fortiori depuis le début de la crise sanitaire, certains diplomates chinois, communément appelés « loups guerriers » par les médias occidentaux, ont adopté un ton belliqueux dans les médias et sur les réseaux sociaux. Alors que cette nouvelle pratique, très décriée au sein des opinions publiques occidentales et asiatiques, conforte la perception de la Chine comme une menace, cette note s’interroge sur les motivations qui poussent le Parti communiste chinois (PCC) à la perpétuer. Ce paradoxe tient à ce que les véritables destinataires de cette politique extérieure chinoise sont les Chinois eux-mêmes, qu’ils vivent dans le pays ou à l’étranger. Cette politique extérieure à usage interne a pour but principal de légitimer le PCC aux yeux de ses propres citoyens, dans la continuité des précédents leaders chinois. Ainsi, cette diplomatie des « loups guerriers » n’affecte pas les objectifs de la politique étrangère chinoise. Trois éléments étayent cette hypothèse : la visibilité des « loups guerriers » en Chine, les références subtiles au « siècle d’humiliation » et enfin l’instrumentalisation de la fracture culturelle pour mettre à distance les régimes démocratiques.
"“Wolf warrior” diplomacy: a new policy to legitimize the chinese communist party"
Author: Camille Brugier
For several years, and especially since the beginning of the Covid-19 crisis, some Chinese diplomats, commonly called “wolf warriors” by Western media, have adopted a warlike tone in the media and on social networks. While this new practice, heavily criticized by Western and Asian public opinion, reinforces the perception of China as a threat, this paper questions the motives of the Chinese Communist Party (CCP) in perpetuating such a policy. The paradox is that the real target of China’s foreign policy are the Chinese themselves, at home or abroad. In line with previous Chinese leaders, the main purpose of this domestically oriented foreign policy is to legitimize the CCP in the eyes of its own citizens. Thus, “wolf warrior” diplomacy does not affect the objectives of Chinese foreign policy. Three elements support this hypothesis: the visibility of the “wolf warriors” in China, the subtle references to the “century of humiliation” and finally the instrumentalization of the cultural divide to alienate democratic regimes.
Auteur : Flavien Bourrat
Le Maghreb et le Moyen-Orient sont touchés, dans un contexte stratégique régional tendu et instable, par le retour ou l’émergence du fait national comme élément central et structurant du fonctionnement des États et des sociétés. Ce phénomène, qui s’est amplifié à la faveur des soulèvements observés dans le monde arabe et en Iran depuis une dizaine d’années, révèle la priorité désormais accordée au cadre national dans la conduite politique interne comme extérieure des pays, en même temps que le rejet des ingérences étrangères et des utopies transnationales. Ce retour global du national interroge sur les dynamiques dont il est porteur, mais aussi sur les contradictions et les résistances qu’il rencontre au gré des situations et des crises affectant l’ensemble de la région. Il fait ainsi ressortir les tensions entre nationalisme étatique et internationalisme islamiste, mais aussi la difficulté pour plusieurs pays d’accéder au statut d’État-nation viable, et enfin la question du retour éventuel à un ou plusieurs hégémons régionaux.
"Nation building a key parameter of the new political and strategic context in the Maghreb and Middle-East"
Author: Flavien Bourrat
In the Maghreb and Middle-East – amid a strategically tense and unsteady regional context – nation building has either come back or emerged as a central and structuring factor of the functioning of States and societies. The phenomenon, which has been amplified by the uprisings of the last decade in the Arabic world and in Iran, is revealing the new precedence now given to the national framework when conducting domestic and foreign affairs as well as the rejection of both foreign interference and transnational utopias. This global return to the national level triggers enquiries as to what its dynamics are but also as to the contradictions and oppositions it encounters as events and crises stir the whole region. It brings out the tensions between state nationalism and international islamism, the hardships several countries face in the process of becoming viable Nation-States but also hints at a potential return to one or several regional hegemons.
Auteur : Romain Douillard
Expression de la fragilisation croissante de la frontière entre civils et combattants dans les guerres asymétriques, les boucliers humains sont devenus des acteurs clefs du paysage stratégique mondial, dans les conflits opposant les États à des groupes rebelles ou terroristes. Leur utilisation pose un ensemble de problèmes stratégiques, politiques, juridiques et éthiques aux armées qui y sont confrontées.
"Human shields in contemporary conflicts"
Author: Romain Douillard
Human shields embody the increasing thinning of the line between civilians and soldiers in asymmetrical wars. They have become key actors of the international strategic landscape in conflicts between States and renegade or terrorist groups. Their use raises a set of strategic, political, legal and ethical problems among the armies that have to face them.
The Covid-19 health and related economic crises did not leave any sector of the economy unharmed. Although it may not be the first in line, the defence industry has also been impacted. This paper explores the various impacts of the Covid-19 on the defence industry in Europe, both on the short and long-term dimensions. After exploring the immediate and longer-term impacts of the crisis for the defence industry, the paper concludes by discussing whether the crisis could be an opportunity for further European armament cooperation. This IRSEM publication is based on Dr Béraud-Sudreau’s personal research and does not relate to the SIPRI databases or annual data launches.
Auteurs : Amélie Ferey et Anne-Laure Mahe
La signature, le 23 octobre 2020, d’une déclaration conjointe entre les États-Unis, le Soudan et Israël semble inaugurer une nouvelle ère dans les relations israélo-soudanaises : celle de la normalisation. Les politiques et évolutions concrètes auxquelles renvoie ce terme restent toutefois floues, notamment du fait de l’incertitude de la situation politique soudanaise, le pays ayant entamé une transition démocratique en 2019. Quelles sont les conséquences et la pérennité de cette nouvelle itération de la diplomatie du deal promue par Donald Trump ? Cet accord a été rendu possible par le tandem Trump / Netanyahou qui a su capitaliser sur des conditions structurelles permettant un rapprochement entre les trois États. Sa publicité constitue une rupture avec la diplomatie clandestine menée par Israël dans la région, et affecte différemment les acteurs en présence. Si cette diplomatie d’annonce est recherchée par Donald Trump et Benjamin Netanyahou, qui tentent de traduire ces succès diplomatiques en gains de politique intérieure, elle met en lumière les dissensions au sein de la classe politique soudanaise, dont une partie perçoit le deal comme un « chantage » effectué par les États-Unis en échange du retrait du pays de la liste des États sponsors du terrorisme.
“The art of the diplomatic deal short term bargain or long-term realignment between Israel and Sudan?"
Authors: Amélie Ferey et Anne-Laure Mahe
The signing of a joint statement between the United States, Sudan, and Israel on October 23, 2020, appears to usher in a new era in the relations between Tel-Aviv and Khartoum: one of normalization. However, the tangible policies and developments to which this term refers remain vague, especially due to the uncertainty of the Sudanese political situation, as the country began a democratic transition in 2019. What are the consequences and durability of this new iteration of deal diplomacy promoted by Donald Trump? This agreement was made possible by Trump and Netanyahu who – in tandem – were able to capitalize on structural factors making space for a rapprochement between the three states. Its public nature constitutes a break with the covert diplomacy carried out by Israel in the region, and affects the actors involved differently. This publicity stunt diplomacy is sought after by Donald Trump and Benjamin Netanyahu, who are trying to translate these diplomatic successes into domestic political gains. However, it also highlights dissension within the Sudanese political class, some of whom perceive the deal as “blackmail” by the United States in exchange for the country’s removal from the list of state sponsors of terrorism.
During Donald Trump’s presidency, US-Russia relations significantly worsened. On top of the tensions over the Ukrainian and Syrian crises, new ones have emerged in other areas, from arms control to geopolitical power politics in the “Greater Middle East”. Through an analysis of the main drivers of the relations between the US and Russia over the past four years, this paper explores how the US domestic polarization over how to deal with Russia resulted in ineffective sanctions, weakened cooperation on arms control, and ultimately allowed Russia to gain geopolitical room in the Middle East and North Africa (MENA) and to continue strengthening its ties with China. The first part of this paper retraces the evolution and polarization of the debate on Russia in the United States, while the second discusses how such trends have resulted in sanctions being the main US foreign policy tool towards Russia. After providing an overview of the impact of the standoff with Russia on arms control, this study shows how the US intervention fatigue has given Russia greater room for actions in the MENA region, but also how deteriorating relations between Moscow and Washington ultimately facilitated more solid relations between Moscow and Beijing. Lastly, this paper discusses the main challenges ahead in the bilateral relation in light of Joseph Biden’s recent election as president of the United States.
Auteur : Cécile Fauconnet
Cette note de recherche analyse le processus d’innovation au sein des entreprises de défense sous l’angle original des combinaisons de connaissances. Elle vise à comprendre la manière dont les spécificités liées à la production militaire influencent l’architecture des connaissances au sein des entreprises. À l’aide d’une étude statistique préliminaire des données de brevets, nous mettons en avant une différence entre les pratiques des entreprises civiles et des entreprises de défense. Plus précisément, les entreprises de défense sont en moyenne plus exploratrices de combinaisons technologiques originales et plus exploitantes de liaisons usuelles que les entreprises civiles.
This research paper analyses the innovation process occurring in defence companies, from the original perspective of knowledge combinations. It aims at understanding how the specificities of military production influence the architectural knowledge of companies. Using a preliminary statistical study of patent data, we highlight a difference between the practices of civilian and defence companies. More specifically, defence firms are on average proner to explore novel technological combinations and make a greater use of common connections than civilian companies.
Auteur : François Delerue, Édouard Jolly, Léa Michelis, Anne Muxel, Florian Opillard et Angélique Palle
La mobilisation des armées dans la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19 participe à la lutte contre la pandémie. En Europe, les États les ont sollicitées surtout en soutien logistique et sanitaire, mais elles ont aussi, dans certains pays, participé à des tâches relevant de la sécurité publique (maintien de l’ordre ou contrôle des frontières). Cette note présente un premier état des lieux des missions qu’elles ont assumées auprès des populations civiles en comparant la nature des interventions menées, les effectifs déployés, et le dimensionnement des opérations, en France, en Allemagne, en Suisse, en Italie et aux États-Unis. Dans la période récente, le périmètre des missions incombant aux armées s’est indéniablement élargi et celles-ci doivent régulièrement apporter, en appui des moyens civils, leur soutien et leurs compétences dans des situations de catastrophes naturelles, humanitaires et sanitaires. La pandémie de Covid-19 en est une nouvelle illustration.
The mobilization of armed forces in the management of the health crisis linked to Covid-19 is part of the fight against the pandemic. In Europe, the States requested them mainly for logistical and medical support, but in some countries, they also participated in public security tasks, such as maintenance of order or border control. This note presents an initial overview of the missions they have undertaken among civilian populations by comparing the nature of the interventions carried out, the number of personnel deployed, and the scale of operations in France, Germany, Switzerland, Italy and the United States. In recent times, the scope of missions carried out by the armed forces has undeniably widened and they must regularly provide their support and skills in situations of natural, humanitarian and health disasters, in support of civilian resources. The Covid-19 pandemic is a new illustration of this evolution.
Auteur : Raphaëlle Khan
Le débat global autour du concept de la « Responsabilité de protéger » (R2P) est l’un des plus controversés de la dernière décennie dans le domaine de la sécurité internationale. Le fait que ce concept propose de redéfinir la norme de souveraineté au nom des droits de l’homme est au coeur de la controverse. La position réticente de l’Inde envers ce concept est considérée par de nombreux médias et analystes en Europe et aux États-Unis comme paradoxale, étant donné la nature démocratique de son régime. Cette note revient sur le rapport de l’Inde à la souveraineté dans le cadre de la R2P pour en évaluer la nature et analyser ce qui a changé depuis le cas de la Libye en 2011, première illustration concrète de l’utilisation du concept de la R2P pour légitimer une intervention.
Auteur : Camille Boutron
Cette note de recherche propose des pistes de réflexion sur les différents ressorts discursifs mobilisés par les récits médiatiques de la participation des femmes au terrorisme islamique. À partir des tentatives d’attentat menées par un groupe de femmes à Paris et Boussy-Saint-Antoine en septembre 2016, elle identifie quatre catégories de récits. La première souligne le caractère monstrueux et pathologique de l’engagement des femmes dans les organisations djihadistes. La deuxième l’interprète comme étant motivé par l’affect et le sentiment amoureux. La troisième considère que les organisations djihadistes ont représenté une roue de secours pour des femmes en perte de repères, animées de pensées suicidaires. La quatrième enfin insiste sur la dimension instrumentale de cet engagement féminin dans une entreprise terroriste. Ces quatre catégories de récits ont pour point commun de mettre en avant la dimension irrationnelle et pathologique de l’engagement des femmes dans les organisations djihadistes. Elles font par ailleurs écho à des « récits types » plus généralement élaborés sur la violence politique des femmes dans le monde occidental.
This research paper proposes avenues for reflection on the different discourses mobilized by media accounts of female participation in Islamic terrorism. Based on the attempted attacks by a group of women in Paris and Boussy-Saint-Antoine in September 2016, the author identifies four categories of narratives. The first emphasizes the monstrous and pathological nature of the involvement of women in jihadist organizations. The second interprets this involvement as being motivated by affect and feelings of love. The third considers that jihadist organizations have represented a last resort for women lacking a sense of direction, animated by suicidal thoughts. Finally, the fourth insists on the instrumental dimension of said “female complicity” in a terrorist undertaking. These four categories of narratives have in common that they highlight the irrational and pathological dimension of this women’s commitment in jihadist organizations. In general, they echo “standard narratives” surrounding women involved in acts of political violence in the Western world.
The dramatic increase in Chinese foreign direct investment (FDI) in Europe has heightened EU security concerns. Regulation (EU) 2019/452 of the European Parliament and of the Council of 19 March 2019 is a response to those concerns. The Regulation is a framework for the coordination of and communication between Member States on the issue of FDI screening. While the Regulation does not require that Member States adopt FDI screening mechanisms or amend existing mechanisms, it enjoins Member States to keep the Union apprised of incoming FDI and provides other Member States and the Commission with the opportunity to raise their concerns regarding specific FDI transactions that may threaten security or public order in the Union. The premise underlying the Regulation is that greater awareness of the security risks in certain incoming FDI will prompt Member States to react—by blocking the incoming FDI and,in the longer term, bolstering their own domestic screening legislation. This paper provides an overview of the Regulation and its proposed cooperation mechanisms. It further provides a comparison between the Regulation and the CFIUS framework in the United States. Finally, this paper considers the effectiveness of the Regulation in light of the changed security and economic context brought about by the Covid-19 pandemic.
Auteur : Ardijan Sainovic
Cette note explore la politique étrangère et de défense des six États des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie) en étudiant leur positionnement stratégique face aux puissances extérieures. Notre analyse montre que si les relations avec les États non occidentaux – la Chine, la Russie et la Turquie – se sont accrues depuis quelques années, celles-ci ne sont pas néanmoins susceptibles de modifier les objectifs nationaux des États des Balkans occidentaux en faveur de l’intégration aux structures euro-atlantiques. Cette diversification des relations s’explique principalement par les besoins en matière de développement économique, mais aussi par des considérations de politique interne. Cependant, à ce stade, ni la Chine, ni la Russie, ni la Turquie ne sont perçues comme étant capables d’apporter pleinement satisfaction aux États de la région sur leurs intérêts nationaux et objectifs stratégiques, par rapport aux puissances de l’espace euro-atlantique.
Le deuxième mandat présidentiel de Xi Jinping, qui a commencé en 2018, a été marqué par de très graves crises politiques : de la guerre commerciale avec les États-Unis à la contestation sans précédent à Hong Kong et à la contraction économique à la suite de la crise sanitaire de la Covid-19, les défis au pouvoir du parti-État chinois sont profonds. Ils ne semblent cependant pas immédiatement éroder la mainmise du Parti communiste chinois sur le pays, au contraire. Sous Xi Jinping, le parti-État a transformé les problèmes publics en atteintes à la sécurité nationale et fait de celle-ci le thème fédérateur de son programme politique. L’accumulation des crises et leur gestion, lutôt qu’une menace, deviennent ainsi des facteurs de légitimation de son pouvoir autoritaire.
À l’automne 2019, alors que les grandes villes d’Irak ont vu se développer une contestation populaire dirigée contre le gouvernement, mais aussi contre l’influence iranienne, plusieurs milices ont entrepris de contrer le mouvement populaire tout en élevant le niveau de tension contre les intérêts américains. Conduisant simultanément des démonstrations de force urbaine, une campagne de répression, des actions de guérilla contre les cantonnements américains, ces groupes paramilitaires ont démontré leur maîtrise de la guerre irrégulière. Leurs actions, d’intensité croissante, ont fini par provoquer une réaction forte de Washington (élimination du général Soleimani) dont les conséquences indirectes ont été, paradoxalement, favorables à l’Iran : essoufflement de la contestation, réduction de la présence militaire internationale. Ces gains politiques obtenus par l’Iran permettent d’imaginer que ces milices ont été activées pour mettre en oeuvre un plan d’opération très élaboré. Produisant des effets considérables pour une énergie investie relativement faible, les milices se présentent comme un puissant levier stratégique, potentiellement actionnable à distance.
During the fall of 2019, major demonstrations broke out in the largest Iraqi cities, challenging both the Iraqi government and Iran. Meanwhile, several militias strove to counter the popular movement by heightening tensions against American interests. They conducted a wide range of operations: show of force, repression campaign, harassment of US military camps, etc. They proved extensive irregular warfare capabilities. Gradually, their actions scaled up and ended up prompting a massive reaction from Washington (elimination of General Soleimani). Against any odds, the assassination had favorable consequences for Iran: demonstrations lost their popular support and weakened, while Western military forces started pulling out. This huge strategic benefit may be a hint that these militias have been activated to carry out a sophisticated operation plan. Eventually, they engineered considerable outcomes from a rather weak initial investment. As such, they appear as a powerful tool of strategic leverage that can be activated remotely.
L’apparente recrudescence de l’assassinat comme instrument politique pose des questions importantes sur le rôle et les limites de l’action clandestine dans les relations internationales. Ces opérations représentent le haut du spectre des capacités des services de renseignement, et constituent une des plus graves violations de la souveraineté du pays hôte et des droits les plus élémentaires des individus. Afin de mieux comprendre les raisons de leur usage, cette note analyse six assassinats commandités par des régimes démocratiques et autocratiques depuis 2010. Notre analyse montre que si les services ne sont pas toujours en mesure d’assurer la clandestinité de telles opérations, celle-ci offre néanmoins au commanditaire la possibilité de nier son implication. La majorité des coûts politiques et diplomatiques des opérations d’assassinat examinées semblent s’estomper dans le temps et sont donc négligeables du point de vue d’un décideur politique. Étant donné ces conditions, nous concluons que l’utilisation de l’assassinat comme outil politique va probablement se généraliser dans les années à venir.
The noticeable growth in the use of assassination as a political tool poses important questions about the role and limits of covert actions in international relations. These operations, located at the high end of the spectrum of capacities of intelligence services, constitute one of the most significant violations both of the national sovereignty of the country where an assassination takes place and of the most fundamental rights of individuals. This note examines six assassinations, sponsored by democratic or authoritarian regimes since 2010, with the goal of improving our understanding of the reasons for their use. Our analysis shows that even though intelligence services cannot always ensure the secrecy of these operations, their covert nature nevertheless provide their sponsors with a form of deniability. The majority of political and diplomatic costs born of the assassinations examined here seem to fade in time and therefore are negligible from the point of view of a political decision-maker. Given these conditions, we conclude that the use of assassination as a political tool is likely to become more widespread in the coming years.
La Russie utilise une large palette de leviers d’influence dans les ex-républiques soviétiques d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie. Mais ne parvenant plus à séduire les peuples du Caucase du Sud, région qu’elle considère comme éminemment stratégique depuis qu’elle en a entrepris la conquête au début du XIXe siècle, sa stratégie d’influence est essentiellement fondée sur la puissance militaire (hard power). Elle ne parvient quasi pas à développer son soft power en Transcaucasie et a donc surtout recours à des leviers d’influence qui relèvent in fine de la contrainte : exploitation des situations de conflit dans les provinces sécessionnistes du Haut-Karabagh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, oligarques d’origine caucasienne « tenus » par le Kremlin, prix de l’énergie et notamment du gaz variable selon la qualité des relations entre Moscou et les capitales de la région, etc. Cela entraîne la Russie dans un cercle vicieux où, pour conserver sa sphère d’influence dans le Caucase du Sud, elle y use de toujours plus de contrainte, devenant ainsi de moins en moins attractive. Les méthodes qu’elle utilise sont bien connues et éprouvées, ce qui fait de cette région un laboratoire important à observer.
Russia uses a variety of methods to influence its former Soviet republics of Armenia, Azerbaijan, and Georgia. Since its conquest of the region in the 19th Century, Russia considers Transcaucasia particularly important for its geopolitical standing. No longer able to persuade or attract South Caucasus populations, Russia’s strategy of influence is largely based on military power (hard power). It struggles to develop its soft power in this region, resorting finally to more coercive methods like exploiting: conflicts in the secessionist regions of Nagorno-Karabakh, Abkhazia, and South Ossetia; Kremlin-affiliated oligarchs; and energy prices. This traps Russia in a vicious cycle: to retain its influence in the South Caucasus, it becomes increasingly coercive and aggressive, appearing malevolent to local populations. The Kremlin relies on well-known and established strategies in the South Caucasus, making it an important case study in the analysis of Russian foreign policy in general.
En tant que représentations cohérentes et systématiques du monde, les théories des relations internationales peuvent nous aider à donner du sens à la crise sanitaire que nous vivons en ce début d’année 2020. Les caractéristiques des processus qui ont provoqué et continuent d’accompagner la pandémie en font un phénomène transnational, susceptible de conforter la perspective du même nom. À tous les stades de cette crise, le rôle de l’individu semble d’ailleurs central. Pourtant, à y regarder de plus près, sa capacité d’action est en réalité limitée. Si le virus n’a que faire des frontières, ce n’est pas le cas de ceux qui le portent. Or, ces derniers s’en remettent à l’État pour résoudre cette crise, un État dont le comportement coïncide avec celui que les théoriciens réalistes lui prêtent. Priorité est ainsi octroyée à l’action souveraine des États concentrés sur leur propre intérêt, dans une logique de compétition à peine voilée.
The emergence of a bipolar world dominated by US-China competition will be one of the most crucial factors shaping global security in the years to come. This evolution will be particularly challenging for Europe and transatlantic relations. In the event of a US-China confrontation, Europeans would face increasing responsibility because the US would need to focus on the East Asian theatre; in the case of a bipolar détente, the US might want to cooperate increasingly with China, possibly at the expense of the transatlantic partnership. With a view to being better prepared for those risks, Europeans should develop their strategic autonomy, reinforce their economic sovereignty and restore their naval power.
« L’innovation technologique dans la stratégie de puissance chinoise : intelligence artificielle, drones, espace »
Auteur : Océane Zubeldia, Malcolm Léon-Zytnicki
La science et l’innovation constituent des priorités politiques du président Xi Jinping, l’objectif étant de rendre la Chine forte économiquement et plus puissante militairement. Les efforts sont portés sur l’autonomie technologique, c’est-à-dire le développement de ses propres capacités au regard de secteurs de niche comme l’intelligence artificielle (IA), les drones et l’espace. Pour mener à bien ses ambitions, l’État chinois conduit une politique très dirigiste où les armées et les services de police profitent des avancées du privé.
Dans cette course à l’innovation, elle possède de nombreux atouts comme le montrent les récents développements du marché des drones civils et militaires, ou bien encore l’envoi en 2018 d’une sonde sur la face cachée de la Lune. Même si certains obstacles se dressent encore, la « route de la soie digitalisée » est bien en marche.
« Schéma sur l’application du droit international aux opérations cybernétiques »
Auteur : François Delerue
Le droit international est applicable au cyberespace et aux cyberopérations. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’interprétation et la mise en oeuvre concrète de ce corpus juridique : que peut faire un État si son système de transport, son réseau d’énergie ou toute autre infrastructure critique est mis hors service pendant une période prolongée en raison d’une opération cybernétique ? Quelles réactions doit-il adopter face à d’importantes perturbations sur son fonctionnement, des pertes économiques voire, potentiellement, des pertes humaines ? Une réponse militaire serait-elle justifiée ? Ces questions, qui n’épuisent pas le sujet, découlent des modalités d’application au cyberespace du droit international. Si des réponses spécifiques doivent toujours être apportées au cas par cas à la suite d’une analyse factuelle et juridique approfondie, il est possible de schématiser le processus logique d’application du droit international à une opération cybernétique, de la détermination de l’identité de son auteur à l’adoption de mesures unilatérales contre l’État ou l’acteur responsable.
Depuis le 11 avril 2019 et le renversement d’Omar el-Béchir, le Soudan s’est engagé dans un processus politique incertain et complexe. Parmi les nombreuses questions soulevées domine celle de l’ampleur et de la nature des mutations en cours : s’agit-il d’un véritable changement de régime ou d’une simple transformation du système pour survivre à la crise ? Afin d’y répondre, il est nécessaire de s’intéresser à l’appareil sécuritaire car c’est lui qui a pris les rênes du pouvoir, en particulier l’armée, et qui s’impose comme l’acteur central de la transition face à l’opposition civile. Cette note analyse l’architecture, l’histoire et les évolutions de cet appareil depuis 1989. Durant trente ans de pouvoir autoritaire islamiste, il a fait l’objet d’une politique de contrepoids (counterbalancing) produisant une fragmentation et une multiplication des agences de sécurité. Cette politique explique en partie le déroulement du coup d’État et des événements qui ont suivi et implique des défis spécifiques pour la transition à court et long terme, en particulier la gestion des multiples acteurs armés pouvant lui faire obstacle.
On July 24th , 2019, China published its tenth Defense White Paper. Far from announcing an evolution of the Chinese military strategy, “China’s National Defense in the New Era” (新时代的中国国防) has two core functions: taking steps toward increased transparency by explaining how China perceives its regional and global environment; and halting the spread of the Chinese threat theory that fuels an increasingly virulent opposition towards China. However, China is struggling to convince on these two points: questionable interpretation of international tensions and partial analysis of the implications, lack of recognition of substantive problems, half-hearted transparency incapable of responding to the concerns of Beijing’s interlocutors. A critical reading of this document makes it possible to identify the main perceptions of the ruling elite.
Note de recherche n° 73 - 2019
« Études statistiques des causes du déclenchement des conflits internes. Le pouvoir prédictif des modèles de régression logistique appliqués aux analyses à l’échelle du pays »
Auteur : Sophie Panel
L’analyse statistique des déterminants des guerres civiles est un champ bien établi dans la littérature (notamment anglophone) sur les conflits. Une approche courante consiste à analyser la distribution des conflits sur un grand nombre de pays afin d’identifier les variables associées à leur occurrence ou non-occurrence. Cette note thématise une limite de ce type de modèles, qui est leur faible qualité d’ajustement : même en prenant en compte l’effet cumulé des déterminants principaux des conflits internes, la probabilité de conflit estimée pour chaque observation ne permet pas de distinguer les pays qui ont réellement fait l’expérience d’une guerre civile, et ce malgré le fait que les variables analysées ont un effet parfois très fort en termes de magnitude et de significativité. La dernière partie de la note propose deux solutions potentielles à ce problème qui sont, d’une part, certaines avancées en termes de modélisation des événements rares et, d’autre part, le recours croissant à des bases de données adoptant une résolution spatiale et temporelle plus précise.
Cette note a pour objectif de présenter les principaux enjeux de l’élection présidentielle de mars-avril 2019 en Ukraine. Elle propose un panorama des enjeux économiques, sociaux et sécuritaires du scrutin (poids du conflit dans le Donbass, réformes et attentes sociales, rôle des oligarques, etc.) avant de réaliser un tour d’horizon des stratégies électorales des principaux candidats. Enfin, l’analyse s’attache à décrypter les enjeux du second tour, et notamment le point crucial du report des voix qui permettra de départager les candidats parmi les trois actuellement « présidentiables ». Ceci est d’autant plus important que l’issue est incertaine.
Les présidentielles ouvrent un nouveau cycle électoral qui se poursuivra par les élections législatives d’octobre 2019 et les élections locales de 2020. Ces échéances seront révélatrices des nouvelles recompositions politiques dans un pays meurtri par cinq ans de guerre avec la Russie et marqué par la « Révolution de Dignité » en 2013-2014. Toutefois, si le paysage politique s’est profondément transformé à l’issue de Maïdan, le système politique n’a que peu évolué et une grande partie de la sphère politique reste définie par les jeux d’influence entre oligarques et la persistance de la corruption et des intérêts privés comme « outils » politiques privilégiés.
"Shiite militias and the state in Iraq. Between integration and empowerment"
Authors: Flavien Bourrat, Alexandre d’Espinose de Lacaillerie
A new type of militia is currently spreading in the Arab world, and in particular in Iraq. While this phenomenon has deep roots, it is the result of the weakening of the central state and the withering of the military and security apparatus. The growth in power of the Iraqi Popular Mobilisation Forces (Hashd Sha’abi), initially intended to be the tip of the spear in the fight against the Islamic State, calls into question their institutional status and remit, even though their mission has been successfully completed. Now the question of their integration or their demobilisation arises. The increasing fear in Iraq, as well as the region as a whole, of the prospect of a permanent parallel Shiite army, serving Iranian interests, like Hezbollah in Lebanon, should be qualified. In reality, the specific attributes of the Iraqi Shiite community and its political and security representation, greatly limit the possibility of these militias being instrumentalised by Tehran.
"INTELLIGENCE STUDIES IN FRANCE. History, Structure and Proposals"
Authors: Jean-Vincent Holeindre, Benjamin Oudet
Since the September 11 attacks, there has been a threefold legitimization of the intelligence field in France: due to the international context, through contemporary security challenges such as terrorism, organized crime, information manipulation; and the subsequent shift in public policies (leading in particular to the Intelligence Act of July 24th, 2015); and by the changing perception of a public affected by the terrorist threat. This context can encourage the development of intelligence studies, which has so far struggled to establish itself in France. The subject is indeed being considered in an increasing number of works in the humanities and social sciences, especially in history, law and political science. This paper reviews intelligence studies in France, without claiming to establish an exhaustive map of the field. It is organized into three sections: first, a brief history of intelligence studies through the comparison of the Anglo-American world and France. Data on the structure of the field (publications, theses, research networks, internationalization) will then be presented. Finally, ten proposals are made for the development of intelligence studies, particularly in terms of teaching, clearances granted to researchers, and the creation of a specialized journal. We also advocate a rapprochement between academics and professionals, carried out with strict respect for the independence of the spheres and with concern for mutual understanding. In this regard, the role of the State and public authorities is fundamental in overseeing and giving momentum to this rapprochement.
"THE DEBATE ON UNIVERSAL NATIONAL SERVICE: BETWEEN POLITICAL WILL AND PUBLIC CONFUSION"
Author: Bénédicte Chéron
For the first time since compulsory national service was suspended in 2001, decided in 1997, the French people have elected a president who proposes re-establishing a form of universal and compulsory service. The announcement by Emmanuel Macron caused a major stir during the election campaign. However, it was only the latest contribution to a long debate on how to mobilise young people for the good of society. It also corresponded to an increasingly apparent political concern for national cohesion and unity. It became explicit during the 2007 election campaign, marked by the memory of the recent 2005 urban riots, and now made omnipresent by the 2015 terrorist attacks. The debate was intended to implement this new national service. However, since the presidential campaign, it has instead revealed public confusion about the pre-2001 national service, as well as the difficulty of identifying the role that the armed forces – now fully professionalised – could play. This paper aims to explore this debate and resituate it in the context of the recurring discussions in French politics since 1997, as well as in the long-term perspective of France’s collective mindset. It will also examine how this idea is taking form at the European level.
"A EUROPEAN DRONE SPACE"
Authors: Chantal Lavallée, Océane Zubeldia
The massive military potential offered by drones has placed them at the heart of modern militaries. Their incontrovertible strategic benefits have prompted several European states to pursue the joint development of a Medium-Altitude Long-Endurance (MALE) drone. It is an ambitious challenge, thus cooperative development is necessary to share the substantial investment costs and compete with the United States and Israel. Although military drone cooperation has progressed slowly in Europe, recent civilian drone initiatives may spark new momentum and stimulate civilian-military synergy. In order to manage the risks and take advantage of potential opportunities, there is a new political impulse in Europe to regulate the use and development of civilian drones. The goal is to integrate them into European airspace, with adapted regulations, research funding and a common market that will place Europe in strong position in this highly competitive sector. This research paper seeks to evaluate the nature and scope of current discussions and initiatives concerning the use of civilian and military drones in the European Union.