Le partage inégal du fardeau de la paix en Ukraine. Conférence-débat avec Justin Massie / Discutant : Pierre Haroche
Jeudi 30 janvier 2025
Jeudi 30 janvier
15 - 17h
Ecole militaire - Amphithéâtre Sabatier
La sécurité européenne tient en grande partie aux garanties de sécurité que peuvent être offertes à l’Ukraine afin d’éviter une escalade de la guerre en cours et assurer une paix durable après la cessation des hostilités. Trois types de garanties de sécurité sont envisageables et non mutuellement exclusives : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, la fourniture d’armes et/ou le déploiement de troupes occidentales en sol ukrainien. Si la première garantie est la moins coûteuse pour les alliés, le dissensus transatlantique sur la question exige de réfléchir à la mise en œuvre des deux autres garanties. Afin d’évaluer le niveau de volonté politique occidentale à maintenir, voire accroître la fourniture d’armes à l’Ukraine et à déployer des troupes en Ukraine, cette communication présente les résultats d’une étude du partage du fardeau militaire en Ukraine depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie.
La répartition de l’assistance militaire à l’Ukraine montre un comportement de passager clandestin important, mais pas nécessairement de la part des suspects habituels. Des alliés tels que l’Estonie, le Danemark et la Suède ont assumé une part beaucoup plus importante du fardeau militaire en Ukraine que les principales puissances alliées que sont les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Les raisons derrière cette répartition inégale du fardeau militaire tiennent en grande partie des perceptions divergentes de la menace posée par la Russie, à la proximité géographique, ainsi qu’à l’idéologie des gouvernements en fonction et du pouvoir dont disposent les législatures en matière d’assistance militaire extérieure. En conséquence, le niveau de soutien militaire accordé à l’Ukraine varie non seulement entre alliés, mais tout autant dans le temps par les alliés.
Compte tenu de ce partage inégal et variable du soutien militaire accordé à l’Ukraine, il est possible de tirer trois conclusions. Premièrement, certains pays, dont la France, ont démontré une préférence pour éviter de fournir une trop grande quantité de matériel militaire à même leurs stocks nationaux, de manière à se préserver une capacité d’agir en cas de crise immédiate. Ceci explique l’initiative du président Macron pour envisager le déploiement de troupes en Ukraine. Deuxièmement, les pays les plus en soutien de l’Ukraine jusqu’à présent, tels que le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, ont préféré offrir une grande partie de leurs stocks nationaux à l’Ukraine et recapitaliser leurs forces armées nationales. Ces alliés ont ainsi une capacité moindre à soutenir dans le temps la fourniture d’armes à même leurs stocks, préférant investir dans la production ukrainienne d’armements. Troisièmement, des pays tels que l’Italie, l’Espagne et le Canada se comportent comme les pires resquilleurs, ce qui signifie que leur soutien à l’Ukraine post-cessez-le-feu est plus qu’incertain. Ceci contraste avec l’Estonie et le Royaume-Uni, qui se révèlent les alliés les plus fiables pour l’Ukraine, alors que d’autres encore, dont la Pologne et l’Allemagne, font preuve d’une grande ambivalence.
Justin Massie est professeur titulaire et directeur du Département de science politique à l’Université du Québec à Montréal. Il est également codirecteur du Réseau d’analyse stratégique et de la plateforme Le Rubicon. En 2019, il était titulaire de la Chaire de recherche Fulbright sur les relations canado-américaines à Paul H. Nitze School of Advanced International Studies (SAIS), Johns Hopkins University. Ses recherches portent sur le partage du fardeau, la transition mondiale de la puissance, la paradiplomatie et la politique étrangère et de défense du Canada. Ses travaux ont notamment été publiés dans plusieurs revues, dont International Studies Quarterly, International Relations, Foreign Policy Analysis, Contemporary Security Policy et Comparative Strategy. Il est l’auteur de Francosphère : l’importance de la France dans la culture stratégique du Canada (PUQ, 2013) et a codirigé Paradiplomatie identitaire : Nations minoritaires et politique extérieure (PUQ, 2019), America’s Allies and the Decline of U.S. Hegemony (Routledge, 2019) et Intelligence Cooperation in a Multipolar World: Non-American Perspectives (UTP, 2024).
Pierre Haroche, sera discutant. Professeur associé de politique européenne et internationale à l’École européenne des sciences politiques et sociales (ESPOL) de l’Université Catholique de Lille. Auparavant, il a travaillé à l’Université Queen Mary de Londres, à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), et au King’s College de Londres. Ses recherches portent sur l’intégration européenne et la sécurité européenne.